ustice internationale : Laurent Gbagbo et Blé Goudé acquittés par la CPI Les victimes crient leur colère et leur déception

Le Front populaire ivoirien (FPI)
et ses militants et sympathisants peuvent pousser un ouf de soulagement.
Laurent Koudou Gbagbo, ancien président ivoirien, et Charles Blé Goudé,
l'ex-leader des Jeunes Patriotes, après l'annonce mardi dernier de leur
acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), ont enfin obtenu hier
mercredi le rejet de leur maintien en détention. A l'annonce de cette nouvelle,
les victimes de 2011 ont crié leur colère et leur déception. Cette affaire
devrait désormais prendre une nouvelle tournure puisqu'il est serait question
de traquer les vrais coupables…
Hier mercredi, les juges de la
CPI ont estimé que l'ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, et l'ex-chef
des Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé, devraient être acquittés des charges
qui pèsent contre eux. L'annonce a été faite à La Haye, par la Chambre de
première instance de la Cour pénale internationale. En cas de procès en appel,
les deux hommes devraient à nouveau comparaître au siège de la CPI.
Selon le juge-président de la
CPI, Cuno Tarfusser : " A la majorité, la Chambre (...) rejette la requête
présentée par le procureur de maintenir M. Gbagbo et M. Blé Goudé (ex-chef du
mouvement des Jeunes patriotes) en détention et demande au greffe d'obtenir les
assurances nécessaires auprès de MM. Gbagbo et Blé Goudé et de leurs conseils
respectifs pour garantir le retour de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé si et au
moment où leur présence au siège de la Cour serait requise … ".
Même si pour les procureurs, il
existe des " raisons exceptionnelles " de s'opposer à la libération
inconditionnelle de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé, craignant qu'ils refusent
de se présenter devant la Cour en cas de procès en appel, la décision de leur
libération a été officialisée.
A Abidjan, c'est la ferveur à
l'annonce de la libération des deux hommes. Pour le secrétaire général du FPI,
Assoa Adou, " (…) Voilà huit ans que nous courrons après la vérité mais
aujourd'hui, la joie reprend la place parce que nous venons de faire un grand
pas vers la réconciliation nationale ".
Toute la journée de mardi, ainsi
qu'une bonne partie de la nuit, Yopougon, immense commune de l'ouest d'Abidjan
réputée acquise à l'ancien président, a vibré pour célébrer la décision de la
CPI. On se rappelle qu'à la mi-décembre, une rumeur sur la libération de M.
Gbagbo avait jeté des dizaines de milliers d'habitants dans les rues.
Alors que l'épouse de l'ex-chef
d'Etat ivoirien " rend gloire à Dieu " pour justice rendue à son
époux éloigné des siens durant ces huit longues années, les partisans de Gbagbo
ont, eux, un maître-mot : la réconciliation, après que leur leader ait surmonté
le plus dur, car disent-ils, l'ex-président est le " chaînon manquant
" d''une réconciliation qui n'a pas eu lieu depuis 2011.
A ce sujet, Hubert Ouslaye,
ancien ministre de Gbagbo souligne : " C'est lui qui a souffert. Et c'est
lui qui doit pardonner. Ceux qui ont échoué n'avaient pas la volonté de
réussir. Parce que, pour eux, faire la réconciliation signifie beaucoup de
choses. Signifie reconnaître les faits qui sont très graves ! ".
Et le numéro 1 du FPI, Pascal
Affi N'Guessan, voit à travers la libération de son " champion "
Laurent Gbagbo un signe fort pour le retour de leur parti au pouvoir en 2020.
Pour le candidat malheureux à la dernière présidentielle, l'acquittement de
Laurent Gbagbo crée en effet " toutes les conditions de l'unité, parce que
plus que jamais, la possibilité de revenir au pouvoir en 2020 est forte ".
L'actuel président du parti se
dit prêt à rendre à Gbagbo son poste : " Le président Gbagbo n'était pas
le président du FPI en 2010-2011. Cela fait 17 ans que je suis à la tête de ce
parti. S'il pense que c'est en étant président du FPI que nous pouvons
reconquérir le pouvoir en 2020, rien ne s'oppose à cela. ".
Colère et déception pour les
victimes
L'annonce de la libération de
Laurent Gbagbao et Blé Goudé a provoqué des scènes de liesse dans plusieurs
villes du pays, notamment à Gagnoa, à Yopougon, commune d'Abidjan. Cette joie
contagieuse contraste avec la déception des victimes de la crise postélectorale
de 2010-2011.
A l'annonce de cette nouvelle,
une cascade d'émotions entre déception, tristesse et colère a envahi une
dizaine de victimes entre autres des violences de la crise postélectorale de
2010-2011, réunies au quartier d'affaires du Plateau, devant la tour abritant
les bureaux de la ministre chargée de leur indemnisation. Elles s'interrogent
sur les auteurs de leur agression et demandent justice d'autant plus que les compensations
financières promises n'ont jamais été satisfaites.
Le président du Collectif des
victimes de Côte d'Ivoire, Issiaka Diaby, dénonce une Cour pénale
internationale incapable de lutter contre l'impunité. " Les crimes commis
en 1995 n'ont pas eu de suite judiciaire... Les crimes commis en 2000, encore 3
000 morts… En 2010, il n'y a pas eu de suite judiciaire... Les politiques et
les bras armés vont encore mieux peaufiner leurs plans pour placer les
Ivoiriens en victimes ", a-t-il dénoncé.
" Nous, on s'est dit,
maintenant : qui est à la base de ce qui nous est arrivé ? Qui est fautif ? Qui
nous a tués, questionne le jeune homme. Vraiment je suis écœuré parce qu'avec
ce qu'elle vient de faire, la CPI n'a pas rendu justice. On ne comprend pas
cette justice-là ", s'indigne Karim Coulibaly, amputé d'une jambe après
une blessure par balle.
Dame Philomène Drouo, veuve
depuis la mort tragique de son époux lors de la crise, exprime son indignation
et réclame que justice soit faite. " On ne veut pas tout perdre. Ceux qui
ont posé les actes, eux, aujourd'hui sont libérés. C'est nous qui souffrons.
Nous ne sommes pas d'accord. On veut qu'il y ait de la justice (…) On n'a rien
reçu et jusqu'à aujourd'hui, on ne voit rien venir. On nous mène en
bateau.", a-t-elle clamé.
Pour l'heure, Laurent Gbagbo
devrait quitter sa cellule de Scheveningen dès l'annonce de sa libération et
devra regagner son pays bientôt. L'acquittement et la remise en liberté
immédiate annoncés par le juge Cuno Tarfusser constituent une victoire
définitive.
Comment ne pas envisager en effet
qu'en ramenant en Côte d'Ivoire le dernier des trois protagonistes de la crise
de 2010-2011, tout cela ne recommence pas ? Dans l'équation : l'échéance
cruciale de 2020, autour de laquelle tourne déjà toute la vie politique
ivoirienne actuelle.
Aux dernières nouvelles, le
procureur a fait appel de cette décision et demande à ce que cet appel soit
suspensif. La Chambre d’appel devrait maintenant se réunir assez rapidement
pour dire si la libération ordonnée cet après-midi doit être ou non suspendue.
Mamadou Touré, le ministre
ivoirien de la Promotion de la jeunesse, invité Afrique matin, affirme que la
Belgique a accepté d'accueillir Laurent Gbagbo.
JPB avec rfi.fr
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